« 29 août 1873 » [source : BnF, Mss, NAF 16394, f. 252], transcr. Manon Da Costa, rév. Florence Naugrette, in Juliette Drouet, Lettres à Victor Hugo, éd. dirigée par Florence Naugrette, [en ligne], https://juliettedrouet.univ-rouen.fr/lettres/jd.entry.2634, page consultée le 07 novembre 2025.
Paris, 29 août [18]73, vendredi après-midi, 2 h.
Cher bien-aimé, ta confiance en mon épistolairerie m’honore sans me convaincre ;
cependant, pour t’obéir, j’essaierai d’écrire à ta belle-sœur1, sinon aujourd’hui, demain. L’action de compter
avec Mariette par livres, sous et deniers
est suffisamment laborieuse pour n’y rien ajouter : PAS D’AUTRE. Aujourd’hui la
dépense s’est alourdie de 12 livres de charbon ; hier des gages des deux bonnes
55 livres, en outre de notre dîner extra je crois que si nous devions rentrer bientôt
dans nos maisons respectives le mieux serait de faire venir Suzanne au point de vue économique. Au reste tu sais
mieux que moi ce qui te plaît et te convient le mieux. Je ne désire qu’une chose,
te
servir au mieux dans la limite de mes forces et dans les conditions les plus
opportunes pour toi. À défaut d’autre mérite j’ai celui de l’obéissance passive2… mais pour toi
seulement. Contre le reste des humains, à quelques très rares et très précieuses
exceptions près, je suis en révolte ouverte et irréconciliable.
Quelle belle
lecture hier mon sublime, mon divin bien-aimé ! J’en avais le cœur ému et enivré comme
la première fois où j’ai entendu ce chef-d’œuvre dans lequel tu m’avais fait une part
si grande et si splendide qu’elle a excité bien des haines et bien des jalousies
contre toi et contre moi. En écoutant ta voix si pure, si mâle et si douce je
retrouvais une à une toutes mes espérances radieuses d’autrefois et toutes les
déceptions douloureuses qui les ont suivies et, loin de me plaindre, je remerciais
Dieu en moi-même de m’avoir donné l’amour à la place de la gloire3. Cette part me suffit pour cette vie et pour l’autre et je te
bénis.
1 Julie Chenay, qui entretient Hauteville House en l’absence de Hugo.
2 Titre d’un poème des Châtiments.
3 Lecture de Marie Tudor qui sera reprise à la Porte-St-Martin le 27 septembre. La pièce avait été jouée pour la première fois le 7 novembre 1833, avec Juliette dans le rôle de Jane. Victime des persécutions quotidiennes de ses collègues, elle perdit ses moyens sur scène et fut aussitôt remplacée par Ida Ferrier.
Les indiquent les repères chronologiques de la vie de Juliette Drouet.
Les indiquent les repères chronologiques de la vie de Victor Hugo.
ils rentrent à Paris après la fin de l’écriture de Quatrevingt-treize. Épuisée par les infidélités de Hugo et le soupçon, elle disparaît quelques jours, pendant lesquels il est au désespoir. François-Victor, second fils de Hugo, meurt d’une tuberculose rénale.
- 10 févrierReprise de Marion de Lorme au Théâtre-Français.
- 1er juilletBlanche quitte Guernesey.
- 12 juilletBlanche revient secrètement.
- 21 juilletBlanche repart pour Paris.
- 31 juilletHugo et Juliette Drouet arrivent à Paris.
Blanche avoue à Hugo l’avoir trompé. Il lui pardonne. - 14 aoûtPaul Meurice est démis de ses fonctions de rédacteur en chef du Peuple Souverain par ses actionnaires. Le journal se sépare du Rappel, dont il était l’émanation.
- 19 septembreAyant découvert une lettre d’amour adressée à Hugo, Juliette fuit à Bruxelles.
- 26 septembreRetour de Juliette Drouet à Paris.
- 4 octobreAprès avoir loué pendant deux mois une petite maison à Auteuil, ils s’installent 55 rue Pigalle.
- 26 décembreMort de François-Victor Hugo, de la tuberculose.
- 28 décembreEnterrement de François-Victor au Père-Lachaise.
